Affaire Charbon fin : Les « corps solides » sont des « lingots d’or », selon le parquet

Le procès de l’affaire charbon fin opposant l’Etat burkinabè à la société IAMGOLD Essakane SA a repris le jeudi 05 octobre 2023 au Tribunal de grande instance Ouaga 1. Les débats ont été centrés sur des observations qui ont été faites par la défense se résumant par le fait qu’il y a des magistrats qui siègent alors qu’ils ne font plus partie du tribunal, au rejet de l’expertise des cargaisons et à la demande du rapport financier de l’expertise.

Dès l’ouverture du dossier, les conseils de Ramdé Pascal et Sawadogo Abdoul Abass (les prévenus qui étaient absents le 02 octobre dernier) ont demandé le renvoi du dossier à cause, selon eux, de la citation irrégulière de leurs clients. Après des débats entre les différentes partie, le président du tribunal a retenu le dossier pour être jugé ce jour.

Il a, par la suite, procédé à la vérification de l’identité des 12 prévenus à la barre en leur citant les faits qui leur sont reprochés tout en leur demandant s’ils les reconnaissent. Notons que la société minière IAMGOLD Essakane SA et la société Bolloré Transport et Logistics, représentées chacun par son Directeur général, sont poursuivis dans cette affaire. Tous ont plaidé non coupable.

Le tribunal a demandé ensuite aux différentes parties si elles ont des observations sur les éléments du dossier. La défense a fait un certain nombre d’observations. D’abord, elle a mis en cause l’expertise mené sur les cargaisons de charbon fin saisies car elle n’est pas achevée. Il y a toujours une partie des cargaisons contenant des « corps solides » qui n’ont pas été expertisée. Elle estime que le dossier n’est pas en l’état et demande renvoie. Ensuite, elle a demandé au ministère public de leur produire le rapport financier de l’expertise car elle a coûté environ 1 milliard de FCFA à la société.

Enfin, la défense a mis en cause la présence de deux magistrats au parquet qui ont été nommés et affectés à d’autre fonction. En effet, ces deux magistrats étaient en charge du dossier avant leur affectation.

La partie civile et le parquet ont développé des arguments contradictoires aux observations des avocats de la défense.

S’exprimant sur la mise en cause des deux magistrats du parquet, l’avocat de l’Etat, Me André Ouédraogo estime que la défense n’a pas bien formulé sa requête. « Il faut dire qu’on peut ne pas vouloir voir certaines tête dans la composition de la juridiction. C’est de bonne guerre. Lorsque vous êtes dans cette posture, vous devez qualifier exactement ce que vous demandez pour permettre à la juridiction d’accéder à votre requête ou de la rejeter », a-t-il indiqué.

Mais là, a-t-il ajouté, ils (NDLR, les avocats de la défense) ont fait une simple observation pour dire qu’il y a deux magistrats du parquet dont l’un a été nommé et l’autre affecté sans pour autant tirer une conséquence juridique. Ils se sont basés sur une résolution du CSM (NDLR, Conseil supérieur de la magistrature) qui précise la loi sur le statut de la magistrature mais au-delà, ils n’ont pas été à même d’expliquer à la juridiction qu’est-ce qu’ils veulent qu’on tire comme conséquence. Est-ce qu’ils veulent récuser les juges ? Ils ne peuvent pas parce qu’il s’agit des magistrats de parquet et ils ne sont pas recusables. Ils n’ont pas été capables de dire le but de leur requête.

« Pour revenir au rapport financier, c’est le droit à la partie qui a mis des fonds à la disposition du juge superviseur pour que l’expertise soit menée à bon terme, d’avoir un compte rendu de ce qui a été fait avec son argent. Mais la demande n’est pas de nature à retarder le procès d’autant plus qu’elle peut être fournie à tout moment. Je ne vois pas en quoi est-ce que dans la conduite du procès, cette demande de rapport financier est un obstacle à sa poursuite et voilà pourquoi la juridiction est passé outre », a-t-il laissé entendre.

L’avocat de la défense, Me Moumouni Kopiho, demande une juridiction bien composée pour juger cette affaire, en faisant référence aux deux magistrats du parquet. « Ce qui n’est pas normal. Ils ont été affectés et j’ai la preuve ici. Le premier moyen que nous avons soulevé est que nous voulons une juridiction bien composée car un magistrat ne peut pas faire plus de 05 ans au barreau », a-t-il fait savoir.

Concernant la demande du rapport financier, il dit que la défense estime que l’expertise n’est pas terminée. « Pour nous, l’expertise n’est pas finie puisqu’il reste des corps solides. C’est pourquoi on ne réclamait pas le rapport. Mais puisqu’ils ont enrôlé pour juger, qu’ils nous fassent le point des dépenses d’un milliard que IAMGOLD leur a donné alors qu’ils nous disent que le rapport est là et ils ne nous donnent pas », a indiqué Me Kopiho avant d’ajouter que la défense demande que l’expertise soit achevée. « Si on achève pas l’expertise on ne peut pas déterminer la teneur d’or qu’on prétend que Essakane a voulu frauder ou voler », a-t-il ajouté.

Selon le président du tribunal, l’audience de ce jour a permis de développer un élément dont il faut approfondir la connaissance. Il s’agit en effet d’une partie des cargaisons saisies n’ayant pas fait l’objet d’expertise que les avocats de la défense qualifient de « corps solides » tandis que le parquet estime que ce sont des « lingots d’or ». Alors, il a suspendu l’audience pour être reprise le 06 octobre 2023 à 9h et a demandé au parquet de faire envoyer lesdits « corps solides » afin que le tribunal puisse aviser.

 

Issouf Tapsoba et Nabintou Ouattara (stagiaire)

Latribunedufaso.net

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