Les protagonistes de l’affaire de recrutement frauduleux à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) était devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou ce mardi 17 décembre 2019. Cette fois-ci l’on a entamé le fond du dossier avec le passage à la barre du Directeur des ressources humaines (DRH) de la société d’Etat, Norbert Zeda.
Après plusieurs reports, le procès du recrutement frauduleux d’agents à la CNSS a visiblement débuté. Dès l’entame de l’audience, des avocats de la défense ont demandé au Tribunal d’écarter le rapport de l’expert en communication versé au dossier par le parquet. On reproche au Parquet d’avoir requis l’expert alors qu’il appartenait au TGI de Ouagadougou de le faire par ordonnance. Après de brefs échanges, le Tribunal est allé dans le sens de la requête formulée par la défense en écartant simplement le rapport d’expertise produit par l’expert en sécurité informatique Younoussa Sanfo qui faisait ressortir que certains candidats ont communiqué avant, pendant et après le teste de recrutement avec des agents de la CNSS.
Après la vérification par le tribunal des identités des accusés au nombre de sept (quatre hommes et trois femmes), tous de la CNSS, place maintenant à l’audition du Directeur des ressources humaines Norbert Zéda. Selon son récit, le recrutement objet de ce litige a connu plusieurs étapes. Il a donc été désigné par la Direction général de la Caisse pour superviser le tirage au sort à l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi (ANPE-Centre) dans un premier temps. Avant d’être désigné pour être président du jury de surveillance, vice-président du jury de délibération et vice-président du jury d’entretien des candidats admissibles.
Le choix des sujets
Pour la composition, plusieurs propositions de sujet ont été faites par des personnes compétentes à travers leur service comme l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (ENAM). La sélection définitive des sujets a été faite la veille de la composition par trois personnes dont la Secrétaire générale de la CNSS et le DRH. Après la sélection, charge maintenant au reprographe de reproduire les sujets sous la supervision du sieur Zéda himself.
Ont pris part à la composition 8 500 candidats pour 85 postes à pourvoir. Après la composition, l’accusé, après avoir requis l’avis de sa hiérarchie, a transporté les copies du lieu de composition (l’ENAM) au siège de la CNSS. Il était à bord d’un véhicule de service avec le chauffeur et personne d’autre. Il faut préciser que la partie où se trouve l’identité des candidats sur les copies n’a pas été collée comme cela se fait lors des examens et concours et aucune sécurité n’a assisté aux différentes étapes (choix des sujets, composition, transport des copies). Pourquoi, demande le Procureur. L’accusé répond qu’il est de coutume de procéder ainsi à la Caisse, surtout qu’il était à son troisième grand recrutement depuis qu’il occupe les fonctions de DRH.
Lesdites copies ont été stockées dans des cartons dans le bureau du mis en cause jusqu’à la fin du processus (correction, proclamation des résultats). En tant que président du jury de surveillance, il a commis la tâche à des agents de rendre anonyme les copies pour les besoins de la correction. Ainsi chaque candidat a reçu un code et ce code a été mentionné sur sa copie et sur la partie détachable où se trouve son identité. Cette procédure a connu la participation des délégués du personnel pour les besoins de la transparence selon l’accusé. Mais pour la levée des anonymats après correction et pour la saisie des notes des candidats, ce dernier n’a pas jugé nécessaire d’inviter les mêmes délégués pour les mêmes besoins de la transparence. Le parquet se demande où se trouve la logique dans cette manière de faire.
Des copies identiques
Suite à ce recrutement, fait savoir le procureur, quatre membres de la famille du DRH en lien direct dont son épouse sont admis. Chose que l’accusé ne dément pas. Pour mieux comprendre ou se situe la fraude, dame Ouédraogo qui a corrigé certaines copies est invitée à la barre en sa qualité de témoin du parquet. Elle affirme avoir relevée dans un calepin les notes des copies qu’elle a corrigé ainsi que certaines observations. Séance tenante le procureur lui présente des copies avec des annotations. Tout comme en phase d’enquête à la gendarmerie, la correctrice reconnait son écriture et ses observations sur certaines copies mais pas sur d’autres.
Le procureur explique qu’en réalités, des copies de candidats ont été reproduites « de A à Z », c’est-à-dire même avec des erreurs au profit d’autres candidats. Par exemple, une candidate (pour le poste d’agent de liaison) nommée Honorine a eu 17/20 comme note et est sur la liste d’attente des admis. Sa copie a été reproduite au profit de deux autres personnes (Aminata et Tankoano) avec la note de 14/20 pour chacun et ce sont ces derniers qui sont déclaré admis. Tandis que celle qui a eu 17/20 est sur la liste d’attente. Aussi la copie d’un candidat qui a eu la note de 07/20 selon la correction de dame Ouédraogo a été reproduite pour deux personnes avec les notes de 13/20. Ces derniers sont aussi admis et travaillent en ce moment même à la CNSS.
C’est sur ces faits que l’audience du jour est suspendue pour une reprise le 7 janvier 2020. Avec la poursuite de l’audition du DRH de la CNSS.
Marcus Kouaman
La Tribune du Faso