Ceci est une tribune de Sidzabda Damien Ouedraogo en rapport avec la situation nationale.
Loin de moi la prétention à travers les lignes qui suivent de vouloir donner des leçons à des gens qui savent très certainement ce qu’ils font et où ils vont. Comme la grande masse de compatriotes, j’interroge seulement les incertitudes que comporte ce changement inattendu à la tête de mon pays. Un changement pas si inattendu que ça en réalité, puisque que réclamé de vive voix par certaines composantes du peuple et de la société depuis un certain temps. Dans leur déclaration officielle de prise du pouvoir, les membres de la junte n’ont du reste pas manqué d’invoquer le mécontentement et la grogne populaire, pour justifier leur décision de passer à l’action.
Décrié par la vox populi pour des scandales commis par l’entourage et une insuffisance de résultats surtout sur le front de la guerre contre le terrorisme, Roch Marc Christian KABORE a donc été débarqué du pouvoir, presque six ans jour pour jour après sa première prestation de serment en tant que président du Faso. « Et maintenant on fait quoi ? », titrait à sa Une le plus grand quotidien privé du pays, L’Observateur Paalga du mercredi 26 janvier dernier. La question mérite d’autant plus d’être posée, que le flou habituel qui entoure ce type de changements de régimes se double d’un tempérament apparemment peu bavard des nouveaux maîtres du pays.
Embarras situationnel ou réserve stratégique ? On le saura bien vite. En attendant, l’atmosphère est lourde des condamnations habituelles et des sanctions coercitives attendues de la pudibonde communauté internationale. L’ambiance politique est incertaine de ce que la junte entend faire, après avoir renversé le pouvoir constitutionnel qui était en place. Timidement, quelques partis politiques et organisations sociales osent des condamnations de principe du putsch. Avec une teinte d’opportunisme et de clientélisme, d’autres par contre soutiennent à cors et à cris ou du bout des lèvres l’avènement du coup d’Etat. Parmi eux, il y en a qui n’hésitent pas à dérouler ouvertement des agendas pour une transition réussie ; contrastant en cela avec le calme et le silence de ceux qui ont mis Roch hors-jeu. La chose la moins gênante dans cette attitude courtisane n’est pas pour moi de retrouver aux rangs de ces « conseillers autosaisis » du MPSR, certains personnages ou structures, qui devraient avoir la décence de ne pas se poser en donneurs de leçons. Tant le bilan de leurs implications et leurs immiscions récentes sur la scène publique est lamentable et désastreux, pour la paix sociale et la cohésion nationale dans notre pays. Toutes choses entre autres que, dans sa déclaration première, le MPSR a ciblées comme constituant aujourd’hui des maux à soigner et des torts à réparer, pour sauvegarder et restaurer la nation et la société burkinabè.
Difficile, dit-on, d’éloigner les poules de là où il y a des grains à picorer. Tout le mal que l’on peut souhaiter à la junte et pour notre pays, c’est que ses dirigeants restent sereins et lucides, face aux chants intéressés des sirènes bien connues et aux offres de services spontanées des mêmes marchands politiques. Encore une fois, les jeunes officiers qui ont pris le pouvoir savent sûrement ce qu’ils ont fait et pourquoi ils l’ont fait. Ni pour assouvir la boulimie d’assoiffés chroniques de l’exercice du pouvoir. Ni pour servir de cheval de Troie à de quelconques vengeances politiques. Choses antinomiques et incompatibles avec la réconciliation nationale, nécessaire et indispensable pour la sauvegarde et la restauration nationales prônées. En un mot ou en mille il faudra, pour Paul-Henri Sandaogo et ses camarades, veiller à ne pas reproduire les erreurs d’un proche passé de l’histoire politique nationale. Je veux parler de la transition post-insurrectionnelle de 2014-2015, dont nombre d’analystes politiques s’accordent à penser que les ratés et les insuffisances sont à l’origine des déboires que nous trimballons jusqu’à ce jour.
De ce point de vue, le coup d’Etat du MPSR, que je me garderai bien de taxer de salutaire, pourrait peut-être permettre de revoir la copie. Pour un passage générationnel de témoin enfin, entre une classe politique objectivement usée et dépassée et une jeunesse, qui a le droit légitime de vouloir tracer librement, indépendamment et suivant les réalités des temps actuels, une autre voie pour la patrie et son avenir. S’ils peuvent et doivent encore être utiles à quelque chose, les conseils désintéressés des aînés devront alors seulement et uniquement ne valoir qu’à éviter à cette même jeunesse, de jeter en quelque sorte le bébé avec l’eau du bain comme on dit. De quoi se féliciter en ce sens de la rencontre empreinte de respect et de courtoisie que le président du MPSR a initié avec les membres du dernier gouvernement de Roch Marc Christian KABORE. Des désormais anciens dignitaires laissés sagement libres de leurs mouvements. Et à qui le nouvel homme fort du pays a assuré ne pas avoir l’intention d’instruire une chasse aux sorcières. Pour sa part, si l’ancien chef de l’Etat demeure sous bonne garde entre les mains des auteurs du putsch, il semble bien que son intégrité physique n’ait été atteinte ni menacée à ce jour. Pourquoi alors ne pas croire à un changement inconstitutionnel certes de pouvoir, mais autant civilisé que cela peut l’être de la part du MPSR ? Une posture, le cas échéant, qui devrait permettre de prendre en héritage et en considération ce qui n’a et ceux qui n’ont pas été forcément si mauvais que ça dans la gouvernance passée. Fruit d’efforts considérables fournis dans un contexte reconnu par tous particulièrement difficile, des performances positives sont à l’actif du pouvoir déchu. Ainsi, l’économie nationale a tant bien que mal survécu.
L’ossature administrative d’ensemble a été reformée pour être plus performante, à la satisfaction de certains objectifs majeurs, tels qu’une optimisation de la collecte des recettes fiscales et une revalorisation de la fonction publique. La riposte sanitaire contre la COVID-19 aussi a été vigoureuse et plutôt efficace. Le bilan énergétique, ainsi que la réalisation malgré tout de certaines infrastructures ont permis de jeter ou renforcer les bases du développement économie de notre chère patrie commune. Certes Roch Marc Christian KABORE et ses gouvernements successifs auraient pu faire beaucoup mieux.
L’échec sécuritaire les a coulés. Tirons leçons de leurs échecs, afin que, avec le MPSR, demain puisse être encore meilleur pour tous. Dieu bénisse notre cher pays.
Sidzabda Damien OUEDRAOGO