Situation nationale : Et si le Président Roch se réveillait ?

Ceci est une tribune de Sidzabda Damien Ouédraogo sur la situation sécuritaire au Burkina Faso. Il invite le chef suprême des armées à s’assumer en prenant les bonnes décisions. Lisez!

L’onde de choc causée par le drame n’en finit pas de faire des vagues. L’indignation et la consternation à tous les échelons, dans toutes les couches et les composantes de la société burkinabé sont à la hauteur des pertes subie. Au chiffre exact, toujours inconnu du nombre total et réel de nos soldats tombés, se joint l’incroyable cruauté des conditions matérielles dans lesquelles les gendarmes du détachement d’Inata ont été cueillis au front.

Délaissés, affamés, démoralisés et certainement trop démunis pour mener combat, ne serait qu’au nom de leur propre survie.
Inutile de revenir sur les détails intolérables d’un épisode particulièrement traumatisant de la guerre sans nom que livre, bien malgré lui, le pays des hommes intègres depuis 2016, contre un ennemi dont on peine autant à justifier le bellicisme haineux qu’à cerner les revendications objectives. Une chose est sûre, la tuerie d’Inata a été d’un traumatisme tellement violent et profond, qu’il est difficile d’imaginer qu’elle n’entraîne pas un changement radical de paradigme, dans ce qui doit impérativement être fait, si le Burkina Faso souhaite s’en sortir et survivre en tant que nation.

Et si Roch Marc Christian KABORÉ se réveillait ?

Tous les regards sont aujourd’hui tournés vers le chef de l’Etat et c’est normal. Il est celui que les Burkinabè ont démocratiquement élu, pour présider à leur destinée commune. Au moment d’entrée en fonction, il a prêté serment de leur garantir la sécurité. Cette sécurité-là même qui, chaque jour que Dieu fait se révèle un peu plus comme un luxe introuvable, sous les cieux et aux quatre coins du Faso. A l’évidence, le président Roch a été très affecté par ce qui s’est passé à Inata. Pour preuve, il contenait difficilement la colère, l’émotion et ses larmes, en s’adressant à ses compatriotes au sortir du conseil des ministres trois jours après la tragédie, le mercredi 17 novembre.

Pris de court comme le commun des Burkinabè par les révélations faites sur les conditions alimentaires de la troupe décimée à Inata, il est apparu visiblement désarçonné, abasourdi, silencieusement furieux. Sans rien nier de sa responsabilité en tant que chef suprême des armées, il n’a pu que promettre avec insistance, que les coupables de cette bévue criminelle seraient identifiés et sanctionnés à la hauteur de la faute commise, sans exception.

Un ton présidentiel inhabituel dans la fermeté, qui laisse croire qu’il ne s’est pas agi d’une autre et simple sortie à effet d’annonce. Comme cela nous a malheureusement été donné de constater par le passé. Accusé par l’un de ses anciens ministres d’être endormi au milieu d’un incendie, on ne peut qu’espérer le réveil du président KABORÉ, sous l’effet de cet électrochoc douloureux.

Élu et réélu par les Burkinabè, Roch Marc Christian KABORÉ n’est autre que le garant légitime de notre souveraineté en tant que peuple et nation. Toutes faiblesses de sa part, puissent-elles paraître somme toute être à la fois normales et humaines, représentent des menaces certaines pour nous tous. En tant que chef de l’Etat, il cesse de facto d’appartenir à un quelconque cercle restreint de proches ou d’amis. De présumés « intouchables », dont les agissements, hautement répréhensibles parfois et pourtant impunis jusqu’alors pour certains, finissent par exaspérer le peuple et jouent négativement sur l’image de la personne même qu’ils ont choisie, à titre personnel et strictement individuel, pour présider à leur destinée.

Les actes de gabegie commis, constatés et dénoncés dans la gouvernance économique du pays devraient donc, de ce point de vue, être sanctionnés comme il se doit. Car ils constituent également des crimes graves, même s’il n’y a pas toujours directement mort d’hommes à la suite immédiate de leur commission. Les scandales économiques sous le pouvoir KABORÉ sont malheureusement nombreux, dont les auteurs et supposés coupables se promènent librement dans la cité ; narguant les « jaloux » et les « aigris » patentés que sont à leurs yeux leurs dénonciateurs.

Le terrorisme est une menace sécuritaire majeure pour notre pays, qui a besoin de s’unir pour y faire efficacement face. L’impunité des auteurs de crimes et les scandales économiques constituent une autre gangrène morale, qui sape fondamentalement le contrat de confiance que le peuple a signé avec son président. Raison pour laquelle, avant d’appeler à l’union sacrée pour vaincre le terrorisme et afin que cet appel soit audible, il faudrait donner des gages que nos soldats ne meurent pas de faim au front, parce quelques véreux galonnés ou non ont cru le moment venu pour eux de se remplir frénétiquement et impunément les poches et les panses.

Donner et conserver sa confiance à des personnes indélicates qui n’ont pas le sens du bien commun, protéger des prédateurs de deniers publics, fussent-ils de fidèles amis ou des proches parmi les plus proches comme on dit, se taire et continuer de laisser faire donne le sentiment qu’on est soi-même commanditaire et bénéficiaire de ces actes répréhensibles, ou à tout le moins complice des mauvais agissements. Outre les sanctions exemplaires contre tous les auteurs de crimes économiques, ce sont des actes et des signaux forts que le peuple burkinabè attend que Roch Marc Christian KABORÉ pose pour un nouveau contrat de confiance morale.
Qu’il arrête ainsi d’écouter tous les griots et les charlatans de la cour et des arrière-cours de Kosyam, qui lui chantent obstinément que la situation sociopolitique est sous contrôle et que ceux qui crient ne sont que des opposants en mal de retour aux affaires. Qu’il cesse de croire les va-t’en guerre de tous bords et de tous poils, qui font croire que la guerre contre le terrorisme se gagnera par l’armée toute seule, avec plus d’armements et des primes supplémentaires versées à des soldats, qui meurent étonnamment pauvres et de faim au front. Qu’il laisse courageusement aux putschistes la responsabilité républicaine de leurs projets et velléités. Qu’il garde confiance et réaffirme sereinement au peuple qui l’a élu son sacerdoce de serviteur, quelles que puissent être les difficultés du moment. Qu’il tienne aux Burkinabè un langage de vérité et d’engagement patriotique de tous dans le combat pour la défense de la patrie.

Le berger comme mouton de sacrifice ?

La démission réclamée du président Roch Marc Christian KABORÉ dans les conditions que traverse le Burkina Faso ne serait autre qu’un acte de haute trahison à la fois militaire et républicaine. En effet, un capitaine vaillant et consciencieux n’abandonne pas son navire en pleine tempête. Tous ceux qui exigent à cor et à cri la démission du chef de l’Etat devraient par conséquent savoir raison garder. Se rendre à l’évidence que, en dehors de la légitimité démocratique dont il jouit, le président du Faso demeure le mieux indiqué, pour tenir le gouvernail et éviter que le bateau Burkina ne sombre définitivement et inéluctablement, dans des eaux troubles d’appétits politiques immodérés et inavouables ; et dans l’aventure spontanéiste d’une jeunesse légitimement empressée de s’immiscer dans la gestion des affaires publiques.

La marche prévue par certaines organisations de la société civile pour le samedi 27 novembre devrait de ce point de vue être davantage un moment solennel d’interpellation du chef de l’Etat, plutôt que pour appeler à sa démission pure, simple et sans autre forme de procès, comme on l’entend dans certains discours. Oui la jeunesse burkinabè a droit de réclamer plus de sécurité au président Roch Marc Christian KABORÉ. Oui la jeunesse burkinabè est en devoir de crier justice et égalité de chances, pour une génération à la peine pour la réalisation de ses rêves. Mais dans l’appel à la démission du chef de l’Etat, elle se trompe totalement de combat. Car demain, elle pourrait se retrouver bien plus désemparée, de n’avoir personne de légitime à qui s’adresser et qui invectiver.

Offrir le berger en sacrifice expiatoire ne saurait être un gage de survie pour un troupeau en perdition. Des voix autres que celle du chef de l’Etat et du camp de la majorité présidentielle s’élèvent çà et là, pour appeler à l’unité et à la solidarité nationale, face au péril sécuritaire qui nous assaille. Il serait temps et bien sage de les entendre. Histoire de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Dans le contexte sécuritaire actuel, qu’adviendrait-il objectivement, si nous nous réveillons un matin sans un président démocratiquement élu et sans un gouvernement nommé par lui ? Qui aurait alors la légalité d’agir, pour aider à coordonner ce qui peut encore l’être, dans l’espoir de nous en sortir ?

En politique, l’illusion est mortelle. Elle devient criminelle, lorsque l’utopie consiste, de plus ou moins bonne foi, à entraîner les partisans d’une cause tronquée, dans un combat contre leurs propres intérêts et ceux de la majorité silencieuse. Le drame d’Inata et les conditions de sa survenue doivent servir de sursaut. Les fautifs sévèrement sanctionnés, afin que cela ne se répète plus jamais. Se servir de cet épisode douloureux pour déconstruire un peu plus notre unité nationale tant malmenée relève cependant d’un machiavélisme suicidaire auquel je ne souscris pas et dont il fallait, à travers ces lignes, que je me démarque moralement et intellectuellement. Dieu bénisse le Burkina Faso.

Sidzabda Damien OUEDRAOGO

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