Sous l’initiative de l’Organisation non gouvernementale pour le renforcement des capacités de développement (l’ONG ORCADE), il s’est ouvert le jeudi 3 octobre 2019, à Ouagadougou, une conférence publique autour de l’implantation de la mine d’or industrielle Orezone, dans la localité de Nobsin, dans le village de Bomboré, à environ 85 Km de Ouagadougou, plus exactement dans la commune de Mogtédo. Il s’est agi de présenter et de discuter du processus d’implantation de ladite mine et de ses impacts possibles sur les populations.
C’est à la suite d’une projection vidéo d’une dizaine de minutes présentant globalement le projet industriel de la mine d’or Orezone dans le village de Bomboré, et relatant le témoignage de certains habitants dudit village au sujet de l’implantation de cette mine que s’est ouvert les échanges. En effet, représentant de la mine d’or Orezone de Bomboré, ressortissants et habitants du village de Bomboré, principaux acteurs concernés par la question ; et bien d’autres couches de la société ont intervenu à tour de rôle pour soit aller dans le sens du témoignage retransmis ou s’inscrire aux antipodes de celui-ci.
De la présentation alors faite du projet industriel de la mine d’or au tout début de la vidéo par Napina Odette Toé, chargé de programme à l’ONG ORCADE, il ressort que le projet aurifère de Bomboré tenu par Orezone Bomboré SA est une société de droit burkinabé détenu à 90% par Orezone (société minière canadienne) et 10% par l’Etat burkinabé. Le projet a une durée de vie de treize (13) ans. Les réserves minières sont estimées à 31 tonnes d’or brut. Il doit occuper un espace de 700 hectares desquels 600 ménages sont directement impactés par les questions de délocalisation, de retrait des terres, de retrait des champs ; 75 000 arbres seront détruits ; 25 000 orpailleurs (de mine artisanale) déplacés. La convention d’exploitation a été signée entre l’Etat burkinabé et Orezone dans le courant du premier trimestre de l’année 2019.
« Seul Dieu est notre espoir car Orezone est venue tout gâter »
« Avant on cultivait, puis quand l’or est apparu, on faisait l’orpaillage pour se nourrir. Mais quand la mine (Orezone) est arrivée, tout s’est arrêté. On ne peut plus faire de l’orpaillage, les jeunes ont quitté le village et nous laisser seuls. Nos enfants ont quitté l’école parce que nous n’avons pas les moyens pour payer leurs études. Surtout sur le plan de la santé, comme on ne travaille plus, on ne peut pas se soigner ni même avoir à manger », a raconté Agnès Ouédraogo, habitante de Nobsin.
Rasmata Kaboré, présidente des femmes de Nobsin, poursuivant dans le sens de dame Ouédraogo avance : « Quand Orezone est arrivée, dans un premier temps, ils nous ont dit qu’ils venaient sympathiser avec nous, qu’on allait travailler ensemble comme de bons voisins et qu’ils n’allaient pas gâter notre travail, nous étions tous d’accord. Mais il y a 4 ans, un beau jour sans nous prévenir, la mine a débarqué avec des policiers ici à Nobsin, empêchant tout accès à la colline à la population…depuis lors notre vie a basculé. Beaucoup de nos enfants sont partis et nous n’avons jusque-là pas de leurs nouvelles. Seul Dieu est notre espoir car Orezone est venu tout gâter ». Ousmane Kaboré, ancien orpailleur, tient à interpeller les autorités et le gouvernement burkinabé. « Nous n’avons plus rien à faire. Il n’y a plus d’agriculture car nos terres ont été occupées par la mine. Le gouvernement doit ouvrir les yeux sur la situation des agriculteurs parce que nous n’avons plus de terres pour cultiver. Bientôt Nobsin ne va plus exister car elle a été vendue en majorité aux blancs. C’est la famine », a-t-il indiqué.
Grosso modo, les villageois qui ont été déguerpis souhaitent entrer en possession de terres pour continuer l’orpaillage afin de subvenir aux besoins de leurs familles et non pour vivre la belle vie, comme certains le prétendent. Ils disent ne pas être trop intéressés par l’offre de l’entreprise minière industrielle Orezone, offre qui, disent-ils, ne leur permet pas de subvenir convenablement à leurs besoins les plus vitaux, à plus forte raison faire face à la rentrée scolaire présente. Ils disent ne plus pouvoir pratiquer leurs activités quotidiennes que sont l’agriculture et l’exploitation minière artisanale. La résultante de tout cela serait un déplacement massif et progressif des populations de la localité vers d’autres contrées. En plus de tout cela, la société minière est accusée de créer la division entre les populations, les membres d’une même famille. C’est un cri de cœur qui est alors lancé à l’endroit du gouvernement.
« Je suis surpris par ce que j’entends dire ici »
Pour sa part, Eric Kossongonona, surintendant des relations avec les communautés auprès de Orezone Bomboré SA affirme qu’Orezone est active dans la zone de Mogtédo depuis plus d’une dizaine d’années, et entretient depuis pratiquement 2011, des rencontres permanentes avec les communautés que ce soit directement dans les villages, que ce soit dans les locaux de Orezone, à l’échelle de la mairie de Mogtédo. Il se dit à la fois surpris et non pas parce qu’il ne comprend pas les raisons qui animent certaines populations. « Je suis surpris par ce que j’entends dire ici mais je n’en suis pas tout à fait surpris parce que c’est un groupe d’orpailleur (qui est présent dans la salle) ; ce qui est normal dans ce genre de situation ; on a une compétition vis-à-vis de la ressource « or ». Leur problème, c’est de ne plus avoir accès à la zone minéralisée, économiquement définie comme étant rentable et qui a fait l’objet d’une convention avec l’Etat burkinabé », a-t-il fait savoir avant de laisser entendre la proposition faite par sa société minière au regard de la situation née à la suite de leur arrivée. « Orezone a dit, les orpailleurs vous vous organisez en coopérative, sur notre permis de recherche, les zones relativement minéralisées, on va vous leur donner pour exploitation ; mais à ce jour il n’y a aucune coopérative qui soit dûment constituée pour répondre aux textes en vigueur », a-t-il déploré.
Un autre aspect sur lequel le surintendant des relations avec les communautés s’est exprimé, c’est celui des logements construits, que les populations déguerpies trouvent exigus pour leur relogement. « Quand vous déménagez des populations, le principe c’est la compensation bien pour bien. Si vous avez un bâtiment, on vous construit un bâtiment, si vous en avez deux, on vous construit deux. Vous avez des bâtiments qui ont moins de neuf mètres carrés ; il y a une grille, au niveau du Burkina il y a un code de l’urbanisme et de l’habitat…quand vous déplacez les populations, vous devez vous conformer à ce code… », a tenu à préciser Eric Kossongonona. Il affirme en outre qu’aucun barrage n’a été promis aux populations, contrairement à ce que certaines populations font croire. Il a terminé par émettre des doutes sur la représentativité de la communauté impactée à ce cadre d’échange.
En rappel, le lancement des travaux de construction de la mine d’or Orezone de Bomboré est intervenu le 24 mai 2019, sous le haut patronage du Premier ministre, Christophe Dabiré. L’entrée en production et la coulée du premier lingot sont prévues avant la fin de l’année 2020.
Marcus Kouaman
Latribunedufaso.net