Médias et communication sur la situation sécuritaire nationale : Le jeu dangereux de la désinformation et de l’intoxication

Le Burkina Faso est sous le choc. L’attaque perpétrée contre des populations civiles à Solhan dans la nuit du 04 au 05 juin 2021 a plongé le pays dans une véritable stupeur. Un bilan jamais enregistré en termes de pertes en vies humaines. Plus d’une centaine d’innocents, de femmes, d’enfants et de jeunes gens pour la majorité, massacrés dans l’horreur et sans pitié. La peine est profonde et la tristesse plus qu’immense.

Un deuil national de 72 heures a été décrété par le chef de l’Etat. A la mémoire des victimes certes, mais l’occasion aussi d’un arrêt de conscience individuelle et collective sur cette circonstance particulière qui nous afflige tous. Un moment solennel, pour accuser le rude coup qui nous a été porté. Un instant propice, pour interroger le rôle citoyen et le comportement patriotique de tout un chacun, face à cette adversité haineuse et obscurantiste, qui nous assaille depuis janvier 2016.

Comme à l’accoutumée, après chaque attaque que nous subissons de la part des ennemis de notre peuple qui ont pour projet manifeste de saper la paix et le développement dans notre pays, l’horreur commise à Solhan n’a pas manqué de faire le tour et la une de certains grands médias internationaux. Une fois de plus, par l’écho porté par ces médias à travers le monde, le Burkina Faso en a pris pour l’image caricaturale peu flatteuse d’un pays exsangue, en proie au terrorisme et presqu’au bord de l’effondrement. Des médias traditionnellement sensationnalistes et alarmistes à dessein, qui n’ont cure des efforts du gouvernement burkinabè, de la détermination de nos forces de défense et de sécurité engagées dans le combat contre la pieuvre terroriste, ni encore moins de la résilience extraordinaire dont font montre les Burkinabè face au chaos qui nous a été pronostiqué. De l’équilibre dans le traitement de l’information, ils n’ont apparemment que faire, dès lors que l’actualité concerne les pays pauvres, Etats misérables et peu influents comme les nôtres. Qu’à cela ne tienne. Les médias internationaux, quitte pour ce faire à distordre volontairement l’information, ont des logiques d’approche et obéissent à des angles de traitement de l’actualité africaine dont devraient logiquement se défier et se démarquer les médias locaux. Les intérêts en jeu et les paradigmes géopolitiques pris en considération étant en théorie très différents pour les uns et les autres, il est difficile de comprendre que des médias officiels burkinabè en soient arrivés à des dérives de désinformation de même nature que les médias internationaux ou les réseaux sociaux sur le drame de Solhan.

De la responsabilité de tous face à la menace terroriste

Passe encore que d’inconscients petits flibustiers en quête de popularité et de notoriété sur les réseaux sociaux se mettent, à la moindre occasion du genre, à publier et répandre des informations totalement erronées, fausses et alarmantes. Quelques-uns parmi eux, fort heureusement du reste, ont déjà eu à goûter aux conséquences judiciaires de l’activisme subversif comme profession. Si malgré tout la toile demeure le temple par excellence de la désinformation et de l’intoxication, on peut se réjouir que la crédibilité des informations qui y circulent ait de nos jours pris un sérieux coup de discrédit aux yeux de la plupart des internautes eux-mêmes.

On ne peut toutefois pas punir comme il se doit les objecteurs de conscience sur les réseaux sociaux et dans le même temps continuer à permettre et tolérer que des médias officiels, soumis non seulement à la loi sur la liberté de presse, mais également surtout au respect d’une déontologie professionnelle qui met en avant le principe sacré de la responsabilité sociale du métier de journalisme, de s’adonner à leur tour à la désinformation orchestrée et à une intoxication volontaire, dangereuse et irresponsable de l’opinion publique.

Que peut-on rechercher en multipliant faussement le nombre des victimes de l’attaque de Solhan  par 2, 3 ou 4 ? Si ce n’est juste en rajouter à désarroi déjà. Que veut-on gagner en inventant et en alertant sur des attaques fictives aux quatre coins du territoire, simultanément ou concomitamment à celle déjà tragique de la nuit du 4 au 5 juin à Solhan ? Si ce n’est uniquement apporter de l’eau au moulin des contempteurs d’un pouvoir et des détracteurs du Burkina Faso. Donner du grain à moudre à ceux qui, par intérêts stratégiques et/ou condescendance historique aux relents colonialistes, ont la funeste tendance à dépeindre tout en noir sur le continent africain.

Nul n’ignore la gravité et la délicatesse de la situation sécuritaire à laquelle notre pays le Burkina Faso est confronté depuis quelques années. Nos médias et nos journalistes locaux le savent certainement bien mieux que les citoyens tartempions comme nous autres. Ils sont également en principe nettement mieux outillés sur le sujet que leurs confrères étrangers ou internationaux. D’où viennent alors cette légèreté coupable et ce manque de professionnalisme condamnable, avec lesquels des médias et des journalistes professionnels Burkinabè ont pu se faire les relais et, plus grave encore, être les sources d’authentification de fake news qui ont circulé, alimenté et nourri la psychose autour de la tragédie de Solhan ?

On ne le dira jamais assez. Tout Burkinabè digne de sa nationalité doit avoir conscience qu’il n’a que ce pays comme véritable et unique patrie. Se mettre en devoir de le chérir et de le défendre contre toutes formes de menaces, extérieures ou intérieures, à son unité. Faute de pouvoir mourir en héros au front comme nos braves soldats et les volontaires pour la défense de la patrie (VDP) engagés à leurs côtés dans la lutte contre le terrorisme, s’interdire toute posture assimilable à de la trahison et à une atteinte contre la fierté nationale et la morale sociale.

En période d’adversité telle que celle que nous traversons, cela ne devrait pas être un vœu pieux que d’attendre de chaque Burkinabè qu’il soit un soldat loyal à la cause de la nation. Ce, quel que soit le poste auquel il est appelé à servir la patrie. Pas un vulgaire et sinistre traître digne d’apatridie, qui se prête sournoisement à la démoralisation et la déstabilisation consciente ou inconsciente du mental de ses concitoyens et concitoyennes. Le Burkina Faso n’est pas officiellement en état de guerre, mais la situation sécuritaire actuelle du pays se traduit par une menace réelle et quotidienne contre la quiétude des populations et la souveraineté nationale. Tout acte de trahison dans un pareil contexte est presqu’assimilable à une trahison en période de guerre et devrait pouvoir être sanctionné comme tel.

Aux grands maux les grands remèdes

Sans nécessairement remettre en cause fondamentalement la liberté démocratique et d’expression chèrement acquise, il serait grand temps que cesse dans notre pays ce sentiment d’indolence et d’impunité, au nom duquel les uns et les autres peuvent se croire autorisés et se permettre d’agir, uniquement en fonction d’agendas personnels cachés, d’intérêts et considérations d’ordres purement politiques, de calculs à courte échelle et d’ambitions de courte vue. Les âmes des victimes innocentes de Solhan et celles de tous les autres morts, militaires comme civils, du terrorisme nous regardent et nous interpellent.

Après le deuil national de 72 heures, allons-nous tourner la page de Solhan et nous remettre à vaquer tranquillement à nos occupations comme si de rien n’était ? Ou allons-nous, enfin, avoir le courage d’interpeler les consciences sur la part de sacrifice et de concession que chacun d’entre nous doit à l’effort collectif qui doit être consenti, si nous voulons espérer nous sortir un jour des griffes de cet ennemi lâche et sans cœur, qui nous endeuille de plus en plus tragiquement et sans le moindre état d’âme. Qui pis est, si nous commettons la bêtise comme certains médias viennent de nous le montrer, de nous adonner à l’apologie de leurs crimes odieux et si nous magnifions par des faits d’armes imaginaires des terroristes (au nom de quelle sordide sensation journalistique, diable !) la capacité d’action et de nuisance de ces criminels sur le terrain.

Dans cette guerre ignoble que les forces du mal ont imposée au Burkina Faso, il faut pouvoir choisir son camp. Celui de la patrie ou celui des ennemis de notre peuple en lutte pour sa survie et la défense de sa souveraineté. Aucun double jeu n’est tolérable et ne saurait être plus longtemps toléré. Au nom de la défense des intérêts supérieurs de la nation, se donner les moyens d’empêcher ou sanctionner avec la plus grande rigueur et sévérité toute désinformation ou propagation de fausses nouvelles sur les réseaux sociaux comme dans la presse et les médias officiels, de nature à porter délibérément atteinte au moral des troupes au combat et celui des populations engagées dans la résilience. C’est au prix d’une union citoyenne sacrée que nous pouvons espérer venir à bout de l’ennemi commun. Toute traitrise politique, toute forfanterie médiatique nous éloigne, au contraire, de la victoire espérée pour le retour à une vie normale dans toutes les contrées du pays des hommes intègres. Aux médias et journalistes patriotes et que Dieu bénisse et protège toujours le Burkina Faso notre chère patrie.

Sidzabda Damien OUEDRAOGO

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