Photo illustration parc national du W

Parc national du W : Effet dévastateur du terrorisme sur une importante réserve régionale

Le Burkina Faso est confronté à une dégradation avancée de son environnement. Elle se caractérise par la perte de terres agricoles et du couvert végétal. En moyenne, le Burkina Faso perd 250 000 hectares de forêt par an. Cette situation s’est aggravée avec l’avènement du terrorisme auquel le pays est confronté depuis 2015. La crise sécuritaire cause des déplacements massifs de populations, exacerbant la pression sur les ressources, notamment la forêt. Aussi, les groupes armés terroristes (GAT) installent des bases dans les zones forestières, ce qui n’est pas sans conséquence pour l’environnement. C’est le cas du parc national du W. À partir de données issues de sources ouvertes, latribunedufaso.net a fait l’état des lieux de l’impact de la crise sécuritaire sur cette aire protégée.

C’est en 2018 que les GAT se sont installés dans le parc W. Deux groupes sont en activité dans la zone. Il s’agit de la Katiba Ansarul Islam et de la Katiba Serma, selon International Crisis Group. Le premier est basé dans le nord du Burkina Faso. Le second est influent dans la zone du Liptako-Gourma du côté du Mali.

Ces GAT ont emprunté des itinéraires différents pour rejoindre le parc. Le premier itinéraire part du Liptako-Gourma vers le Sud en passant par les forêts situées le long de la frontière entre le Niger et le Burkina Faso (Kodjoga Beli et Tapoa-Boopo…), près du parc W. Le deuxième transite par la forêt de Kabonga et le parc d’Arly en traversant le Sud-Est du Burkina Faso.

Graphique montrant l'itinéraire des groupes armées terroristes pour rejoindre le parc
Cette carte montre les itinéraires suivis par les terroristes pour venir s’installer dans le parc

Le parc du W est en danger. Il est pillé par les terroristes qui l’exploitent comme une source de revenus. C’est ce que révèle le rapport n° 310 du 26 janvier 2023 de International Crisis Group. En effet, le parc est le lieu de plusieurs trafics. Les sentiers et les réseaux sont employés pour le trafic clandestin de nourriture, de carburant, d’armes et de motos à travers les trois frontières. Ils gardent du bétail à l’intérieur et prélèvent des taxes aux orpailleurs.

L’activité des GAT dans le parc constitue une menace grave pour la préservation de la biodiversité. Toujours selon International Crisis Group, ils l’utilisent comme leur repaire où ils se cachent, se forment et attaquent les populations. Pour arriver à leurs fins, ils s’attaquent prioritairement aux agents des eaux et forêts.

La même source indique que face à la menace, les gardes forestiers des trois pays qui partagent le parc (Burkina Faso, Bénin et Niger) sont mobilisés. Elles rencontrent cependant d’énormes difficultés, car les GAT sont très influents dans la zone. Sous la contrainte, les trois pays ont retiré la plupart de leurs effectifs de gardes forestiers du parc. Cette information date de janvier 2023. Latribunedufaso.net n’a pas trouvé d’éléments qui montrent que cette situation est toujours d’actualité.

graphique faisant l'inventaire des incidents dans le parc W de 2022 à  juillet 2024
Ce graphique fait l’état des lieux des incidents survenus à l’intérieur et à proximité du parc de 2022 à juillet 2024

Le terrorisme tue le parc national du W

En plus de l’insécurité, la région doit également faire face à un autre défi : la dégradation de la biodiversité du parc. Les terroristes ont ouvert la réserve à plusieurs activités notamment l’élevage, le braconnage, l’agriculture et l’orpaillage. En effet, International Crisis Group a dénombré environ 63 000 têtes de bétail à l’intérieur du parc. En plus, la population d’éléphants qui était estimée à 8 938 en 2015, est tombée à 4 056 en 2021. Plus de la moitié de la population de 2015 a donc disparu sous l’effet du braconnage.

Aussi, les agriculteurs ont défriché de nouveaux terrains dans les périphéries du parc. L’orpaillage a connu une expansion significative, entraînant des conséquences environnementales graves dues à l’emploi massif de substances chimiques nocives.

A côté des actions des GAT qui ont de graves conséquences sur le parc, il y a aussi des efforts de lutte contre le terrorisme qui contribuent à sa destruction. En effet, dans les offensives, des vecteurs aériens sont souvent utilisés pour pilonner les GAT. Dans certaines régions du Burkina Faso, les populations déboisent la forêt pour débusquer les terroristes. Dans ses recherches, latribunedufaso.net n’a pas la confirmation de cette pratique au parc national du W. Cependant, c’est un danger qui plane sur la réserve.

La situation sécuritaire difficile dans la zone empêche le déplacement des services compétents pour évaluer l’impact des GAT. « Personne n’ose aller, donc on ne peut pas savoir exactement quelle est la situation. Il faut attendre qu’il y ait un peu d’accalmie pour pouvoir accéder à ces zones et savoir justement quel a été l’impact de cette crise sécuritaire dans ces réserves », a indiqué Dr Ollo Théophile Dibloni. Il est chercheur au Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST) au Burkina Faso. C’était lors d’une conférence publique organisée, le 30 novembre 2023, à l’Université Pr Joseph Ki-Zerbo à Ouagadougou.

Nous avons illustré l’impact négatif du phénomène sur le parc en utilisant un graphique tiré du rapport de International Crisis Group. Ledit document met en évidence la perte de couvert végétal dans la réserve et sa périphérie de 1995 à 2020. Les causes sont, entre autres, l’érosion des sols, l’envasement du fleuve Niger et l’expansion des terres agricoles. Au vu des actions des GAT dans le parc, on est tenté d’inclure le terrorisme dans cette liste. D’ailleurs, leur présence empêche les trois États de protéger convenablement la réserve.

Ce graphique met en évidence la perte de couvert végétal dans le parc du W et sa périphérie de 1995 à 2020
Source : rapport n°310 du 26 janvier 2023 de International Crisis Group

Le parc national du W, une importante aire protégée

Le Parc national du W fait partie du complexe W-Arly-Pendjari (complexe WAP). C’est un ensemble d’aires protégées situées entre le Burkina Faso, le Bénin et le Niger. Il a une superficie totale de 1 023 000 hectares. La partie nigérienne est de 220 000 hectares. Au Bénin, le parc mesure 568 000 hectares. Il s’étend au Burkina Faso sur 235 000 hectares. Dans ce pays, il est dans la région de l’Est et plus précisément dans la province de la Tapoa.

Le parc abrite une importante biodiversité. Le complexe WAP constitue l’une des plus grandes aires protégées d’Afrique de l’Ouest. Il a été intégré dans la liste du patrimoine mondial de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) en 2017. Cela montre son importance pour l’Afrique occidentale, voire la planète. Malheureusement, il est confronté de nos jours aux affres du terrorisme.

Issouf TAPSOBA

latribunedufaso.net

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