Le métier d’horlogerie : L’expertise de papa Marcel mise en lumière à travers « Les mains du temps »

Le jeudi 13 juin 2024 à l’espace culturel Gambidi à Ouagadougou, a eu lieu la projection du tout premier court métrage de Sara Gamha, intitulé « Les mains du temps ». Une projection qui a été suivie d’une causerie en présence de l’acteur principal. 

Dans ce court métrage d’une douzaine de minutes, Sara Gamha raconte l’histoire de Marcel Lankouandé, « affectueusement » appelé « Papa Marcel », un homme de la soixantaine exerçant dans le domaine de l’horlogerie.

Le public s’est mobilisé grandement pour l’occasion

De l’histoire, on retient que Papa Marcel, après avoir arrêté l’école très jeune s’est lancé dans l’horlogerie, d’abord par nécessité puis ensuite a développé une grande passion pour ce métier. Ce qui l’aurait poussé à participer à un concours international d’où il est sorti premier du Burkina Faso. Il a bénéficié ainsi d’une bourse Suisse pour se faire former davantage dans l’horlogerie. Après 3 années de formation durant lesquelles il a toujours été major de sa promotion, il sort horloger professionnel. « Dans le jargon, on nous appelle des horlogers rhabilleurs. Nous ne sommes pas des maîtres horlogers parce que nous ne fabriquons pas la montre mais on peut la démonter et remonter », a-t-il précisé.

Cela fait maintenant plus de 40 ans que papa Marcel exerce ce métier. Aujourd’hui, à cause des contraintes financières, c’est à son domicile sise à Somgandé que le « papa » fait son travail. Il ramène à la vie tout type de montre gâtée. C’est d’ailleurs ce qui va précipiter sa rencontre avec Sara Gamha. « Je suis passionnée d’anciennes montres. Pendant mon séjour au Burkina Faso, j’avais une montre dont le cadran s’est cassé et en demandant autour de moi qui peut la réparer, je me suis rendu compte que personne ne pouvait le faire ou alors on me disait oui et on me laissait attendre. Et je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas cette capacité jusqu’à ce qu’un jour, de bouche à oreille je tombe sur papa Marcel », a-t-elle relaté.

Dès le premier contact, Sara a été éblouie par l’amour, la passion et l’expertise avec lesquels l’horloger exerce son métier. C’est ce qui a conduit à cette présente réalisation. « Parfois on rencontre des personnes et on se dit, non mais il faut écrire un livre sur cette personne, il faut faire un film, non mais c’est pas possible, il faut raconter. Il se trouve que j’avais le temps de le faire et il a accepté de se confier à moi, ce qui a été un énorme honneur », a-t-elle expliqué. 

La réalisatrice du film documentaire, Sara Gamha

A travers ce film documentaire selon la réalisatrice, il s’agit de montrer qu’il y a également des horlogers en Afrique et non pas seulement en Europe ou en occident. Aussi, c’était une occasion pour elle, de faire passer un message positif sur le Burkina Faso. « Il y a deux choses qui m’ont vraiment touché, la première chose est que lorsqu’on parle d’horlogerie, nous avons tendance à penser à des personnes peut être en Europe ou à l’occident et jamais en Afrique de manière générale et encore moins en Afrique subsaharienne. Donc c’était pour moi une chose inratable, il fallait parler de ça. Et la deuxième chose, c’est une occasion de faire passer un message positif sur le Burkina Faso. C’est vrai que le pays passe par des moments mouvementés, mais il n’y a pas que ça. Il y a aussi des histoires de passion, de belles histoires de personnes qui vivent et c’était tellement important de les partager », a-t-elle indiqué.

Et on aurait dit que les cinéphiles n’attendais que ce partage quand on regarde la joie avec laquelle le film a été accueilli. « C’est un sentiment de joie parce que quand j’ai vu l’affiche, j’ai vu le titre et l’image, je me suis dit, ça c’est pas à rater. Quand je suis venu ce soir, pendant la présentation j’ai failli couler des larmes parce que je ne savais pas qu’il y avait ces trésors qui existaient vraiment. Pour moi, l’horlogerie c’était juste les réparations basiques mais ce soir j’ai compris qu’il fallait aller en profondeur pour comprendre vraiment ce métier. Et avec ce qui a été présenté ce soir, j’ai compris que pour faire l’horlogerie il faut d’abord être passionné, avoir le temps pour ce qu’on fait et arriver maintenant à atteindre l’objectif de réparer une montre du début jusqu’à la fin », s’est réjoui un cinéphile, Parfait Gansonré.

« Quand j’ai vu l’affiche, j’ai vu le titre et l’image, je me suis dit, ça c’est pas à rater », Parfait Gansonré

Il faut noter que Parfait Gansonré est le promoteur de la RUE DES MONTRE et Dr MONTRE, une boutique en ligne de vente et de réparation de montre. Après la projection, il a dit penser à beaucoup de projets avec Papa Marcel. « Pendant la projection du film, il y a beaucoup d’idées qui se tournaient dans ma tête. J’ai un compte Tik TOK, j’ai un compte Facebook, un compte Instagram. Je sais qu’à son époque et même actuellement vu son âge, papa Marcel n’a connu ces outils ou peut-être il ne les maîtrise pas. On pourrait amener les gens à s’intéresser à ce métier via les réseaux. Ça serait bien de pouvoir créer du contenu qui pourrait aider les gens à régler ne serait ce que les petits problèmes avec leur montre à la maison. Je pense que si j’arrive à publier ce genre de contenu, ça va vraiment être bien et ça va faire naître l’envie de devenir horloger, même si c’est à temps partiel chez beaucoup de personnes », a-t-il confié.

Le public a beaucoup apprécié le film

« J’ai réussi ». Papa Marcel n’a cessé de répéter cette phrase pendant la phase causerie après la projection. Pour lui, la réussite va au-delà des grosses voiture et tout le luxe éphémère. Il explique que réussir c’est pourvoir accomplir son rêve, faire ce qu’on aime. Et devenir aussi un bon horloger, il n’y a pas plus grande réussite pour lui. Fier de voir son travail apprécié au grand public, Marcel Lankouandé a remercié Sara avec son équipe qui ont créé cette occasion. Comme conseil, il demande à la jeunesse de garder courage dans ce qu’elle entreprend . « Même mon entourage m’a conseillé de quitter l’horlogerie et j’ai dit pas question. Jusqu’à mon dernier souffle je vais continuer la dedans, même si c’est dans ma chambre », a-t-il partagé.

L’acteur du film documentaire, Marcel Lankouandé

Par ailleurs, il a lancé un appel à l’endroit des gouvernants, leur demandant de voir le cas de la jeunesse. Ce n’est pas, dit-il, parce qu’on a obtenu un diplôme qu’on vit. « Il faut former les jeunes aux métiers. Il y a pleins de métiers dans lesquels on peut les former », a-t-il lancé.

Pour information, Sara Gamha est de nationalité tunisienne. Elle est présentement résidente au Burkina Faso depuis 2020. Sara travaille dans le domaine de l’humanitaire. « Les mains du temps » est sa toute première expérience dans la réalisation de film.

Rosana Astride Kiendrebeogo 

Latribunedufaso.net

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