La 2e édition du salon international de la pharmacie et de la parapharmacie (Pharma expo BF) a eu lieu du 30 mai au 1er juin 2024 dans la capitale burkinabè. Dans l’après midi du vendredi 31 mai 2024, un panel s’est tenu sous le thème « Le digital dans le secteur pharmaceutique : opportunité ou menace pour le monopole pharmaceutique ».
Pour faciliter les échanges, le thème a été subdivisé en trois sous thématiques que sont « La digitalisation et les réglementations pharmaceutiques en vigueur : Facilités et entraves », « Le digital face aux défis de la protection des données personnelles et de santé » et « Le digital : menace ou opportunité pour l’employabilité des pharmaciens ».
Ces sous thèmes ont été animés respectivement par le Directeur général de l’Agence nationale de régulation pharmaceutique (ANRP), Dr Issiaka Soulama, Ebou Haoua Yaro/Bassolé, conseillère juridique à la Commission de l’informatique et des libertés (CIL), et le Secrétaire permanent du Forum Pharmaceutique International, Dr Alfred Sandouidi.
Des différentes communications, on retient qu’il y a deux volets lorsqu’on parle de digitalisation dans le secteur de la pharmacie. Le premier volet revient aux agences nationales de régulation pharmaceutique, « qui sont normalement sensées digitaliser leur propre fonction règlementaire », a indiqué le Dr Issiaka Soulama. C’est-à-dire , dit-il, que toutes les activités qu’elles mènent doivent être dématérialisées, de manière à faciliter l’utilisation par les clients et les services externes de l’agence.
Dans ce sens, le régulateur pharmaceutique a fait savoir qu’à leur niveau, ils sont engagés à dématérialiser le système, surtout dans l’autorisation de mise sur le marché, qui concerne les laboratoires, qui par exemple vont enregistrer les médicaments au Burkina Faso. « Au lieu d’avoir toute une documentation en papier que vous déposer et qu’on valide, on va ouvrir ce système électronique en ligne où les gens peuvent déposer leurs dossiers et tout le traitement se fera en ligne », a-t-il soutenu. A l’entendre, cela permettra d’aller plus vite dans la mise en place des médicaments disponibles pour les différents patients.
Le second volet, concerne l’externe. C’est-à-dire, comment les services, comme la pharmacie en ligne peuvent se mettre en place dans un pays pour permettre, non seulement de faciliter l’accès aux médicaments, mais aussi de réduire les coûts, parce que les patients ne courront pas de distances et surtout ils feront moins d’efforts pour accéder à ces médicaments, les informations étant déjà disponibles en ligne.
Plusieurs paramètres sont à prendre en compte quand on veut aller à une digitalisation des services pharmaceutiques, selon le Dr Issiaka Soulama. Il s’agit notamment de la sauvegarde des données ainsi que leur confidentialité.
« La première des choses, c’est quel format électronique vous voulez utiliser ? Est-ce que vous voulez vous baser sur les données qu’on appelle les Big data ? Est-ce que vous voulez baser votre infrastructure électronique sur l’intelligence artificielle ? Est-ce que vous êtes sûr du type de données que vous voulez conserver ? Est-ce que vous êtes sûr qu’en réalité, vous assurez la confidentialité de ces données ? Ensuite, est-ce que vous êtes sûr du levier de distribution que vous voulez utiliser? Il faut prendre en compte tous ces paramètres », a-t-il expliqué.
Et c’est pour cela d’ailleurs, ajoute-t-il, que j’ai dit qu’il y a des pièges à éviter. Il ne faut pas simplement lancer une plateforme de digitalisation sans maîtriser ses contours et sans écarter l’environnement externe dans lequel cette plateforme doit être intégrée.
Dr Soulama a surtout insisté sur l’objectif recherché à travers la digitalisation des services. « Il faut défendre des valeurs parce qu’en réalité en le faisant, ne regarder pas immédiatement le coût et le gain, mais regardez tout le côté éthique, déontologique, la confidentialité des données et même l’intégrité que vous-même, vous mettez dedans pour vous rassurer que vous faites un travail professionnel au profit de la santé publique », a-t-il martelé.
Et parlant de la confidentialité des données, « Au Burkina Faso, le traitement des données à caractère personnel ou de santé est soumis au respect de principes, régis par la loi du 30 mars 2021, portant protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel », a laissé entendre Ebou Haoua Yaro/Bassolé, conseillère juridique à la CIL. Toute contravention à ces principes connait des sanctions pouvant aller des paiements d’amandes jusqu’à des peines d’emprisonnement. Parmi ces principes on note le principe de Licéité et de Loyauté, le principe de Consentement et de Légitimité. C’est dire par exemple qu’on ne peut pas utiliser les données médicales (ordonnances, résultats d’examen, carnet de santé…) d’une personnes peut importe la finalité, sans au préalable avoir eu son consentement ou, dans certains cas, une autorisation de la CIL.
Quel est l’impact du digital sur l’employabilité des pharmaciens ?
Pour Dr Sandouidi qui s’est attardé sur cette thématique, « Le digital : menace ou opportunité pour l’employabilité des pharmaciens », le numérique et le digital sont des choses essentielles aujourd’hui pour le pharmacien . « On ne peut plus concevoir une officine sans logiciel de gestion », peut-on l’entendre. Cependant, à l’officine, on ne peut plus travailler seul au regarde des charges, la gestion de stocks et au regard des nouvelles missions qu’ont le pharmacien. Et donc, je suis sûr, rassure t-il, qu’au niveau de l’employabilité on aura besoin de nouveaux pharmaciens pour faire le job .
Pour information, il y a déjà des exemples de plateforme digitale au Burkina Faso qui offrent des services pharmaceutiques. C’est le cas par exemple de « Alliance Pharma ». Initiée par le pharmacien certifié en santé digitale et en dispositifs médicaux, Dr Kaleb Kapioko, Alliance Pharma est une application qui aide les populations à trouver la pharmacie la plus proche, que ce soit en temps de garde ou pas, à trouver leurs médicaments dans la pharmacie la plus proche 24h/24 et aussi à avoir les informations sur leur assurance santé. Lancé en 2021, puis en 2023 pour ce qui concerne la version publique, Alliance Pharma est présentement fonctionnelle à Ouagadougou, Bobo Dioulasso et Koudougou . L’application est disponible sur Play store ( Android) et Appstor ( iPhone ). Pour l’utiliser, il faut juste rentrer le nom du médicament et lancer la recherche. Les pharmacies à proximité où le produit est disponible apparaissent ensuite sur l’écran.
« Les populations ont des besoins, et nous pharmaciens sociales, nous avons pris un engagement social, qui est d’aider les populations à se soigner. Le digital vient comme un outil, qui va permettre au pharmacien d’atteindre ce but. Faciliter les soins aux populations, réduire le stress en période de maladie pour guérir rapidement », a signifié Dr Kaleb Kapioko sur les avantages du digital pour le pharmacien ainsi que les populations, certainement une des raisons qui a prévalu à la mise en place de Alliance Pharma.
Rosana Astride Kiendrebeogo
Latribunedufaso.net