Droits digitaux au Burkina Faso : « Il faut laisser le journaliste faire son travail », Ousmane Paré de l’AJB

A la faveur d’un café citoyen sur les droits digitaux (les droits de l’internet), initié par le Centre d’information et de formation en matière de droits humains en Afrique (CIFDHA), différents panélistes ont intervenu, à tour de rôle, sur la modification assez récente du code pénal en lien avec la régulation de l’usage d’internet et des réseaux sociaux. C’était le mardi 27 août à Ouagadougou.

C’est autour du thème : « Régulation de l’usage d’internet et des réseaux sociaux par le code pénal : faut-il craindre une remise en cause des droits et libertés de l’internet et des médias au Burkina Faso ? » que s’est tenu le café citoyen du Centre d’information et de formation en matière de droits humains en Afrique (CIFDHA). Le présent thème a donc été le fil conducteur de l’intervention des panélistes invités pour l’occasion.

En effet, le premier à intervenir, Urbain Yaméogo, Directeur exécutif du CIFDHA, a d’emblée fait l’historique de la déclaration africaine (DA) des droits et libertés de l’internet, adoptée en 2014, et qui serait une initiative panafricaine de promotion des normes et des principes de la transparence dans la formulation des politiques de l’internet et la mise en norme des droits humains sur le continent. Par la suite, lors de son analyse sur la modification de la loi 044, bien qu’il avoue la légitimité du but de celle-ci (contrôler les dérives observées sur internet et les réseaux sociaux : fakes news, cybercriminalité et autres), il relève la difficulté du respect du principe de l’égalité ou de constitutionalité ainsi que du principe de nécessité ou de proportionnalité des restrictions de cette dernière. Il a terminé son intervention par la formulation de recommandations telles que la poursuite de la dénonciation et la contestation de la loi 044 à travers des fora à plusieurs niveaux.

Pour Elisabeth Paré/Sanou, Directrice de l’expertise numérique (ministère en charge de l’Economie numérique), toute personne a le droit de s’exprimer librement. Mais, poursuit-elle, compte tenu des différentes situations que connait le Burkina Faso, la présente loi a toute son existence. Cet avis de la Directrice, le juriste Nébié, son collègue, le partage. C’est ainsi que pour justifier la légitimité de la loi, il fait savoir qu’elle a été adoptée à la représentation nationale, c’est-à-dire à l’Assemblée nationale. En réponse à ceux qui décrient la décision du gouvernement, il rétorque que celui-ci n’a ni porté atteinte aux libertés des personnes ni à une profession, mais a plutôt fait ce qu’il fallait faire pour faire cesser certains post de nature à faire peur. Il reconnait toutefois qu’il n’y a pas de lois parfaites.

Ousmane Paré, en remplacement de Boukary Ouoba, secrétaire général de l’Association des journalistes du Burkina (AJB), a pour sa part laissé entendre qu’« il faut laisser le journaliste faire son travail ». L’adoption d’un tel code, affirme-t-il, a pour objectif que les médias divulguent les informations émises, transmises par le gouvernement ; d’où son invitation à faire la différence entre journalisme et communication un peu plus loin dans son propos.

Mahamoudou Savadogo, spécialiste de gestion des risques et consultant sur les questions de l’extrémisme violent, a quant à lui indiqué puis expliqué ce qui est ou pourrait être à l’origine de telles restrictions des libertés de la part de l’Etat.

Somme toute, tous (les panélistes) conviennent de la nécessité de contrôler les différentes dérives observées dans l’utilisation d’internet et des réseaux sociaux (les fakes news, l’exposition des Forces de défense et de sécurité (FDS) sur lesdits réseaux, la cybercriminalité, etc.). Ce qui est cependant critiqué, c’est la restriction des libertés d’expression qui constitue une entrave dans le bon traitement de l’information.

Pour rappel, l’Assemblée nationale a procédé à l’adoption de la modification du code pénale (loi 044-2019/AN portant modification de la loi 025-2018/AN du 31 mai 2018 portant code pénal) le 21 juin 2019. A la suite de cette adoption, des voix, notamment les associations professionnelles des médias, s’étaient élevées pour dénoncer le caractère liberticide de certains articles de cette loi. Ces dénonciations se sont accrues après la décision du Conseil constitutionnel, qui s’est auto-saisir pour juger de la constitutionnalité de loi.

Tambi Serge Pacôme Zongo

La Tribune du Faso

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