Le lundi 12 février 2024 à Ouagadougou, le Premier ministre, Me Appolinaire Kyélem a échangé avec les acteurs du secteur privé sur la décision du Burkina Faso de se retirer de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). C’était en présence de plusieurs autres membres du gouvernement.
Le 28 janvier dernier, le Burkina Faso, de façon conjointe avec le Mali et le Niger, annonçait sa volonté de se retirer de la CEDEAO et cela, sans délai. Cette décision, selon le ministre en charge du Commerce, Serge Poda a des implications. D’où le présent cadre d’échanges avec les acteurs du secteur privé.
En clair, il s’est agit pour le gouvernement, à travers cette rencontre, de rappeler les raisons qui ont conduit à ce retrait et de présenter aux acteurs du secteur privé, les éventuelles opportunités qui s’offrent désormais au pays.
Pour ce qui est des causes du retrait, la principale raison, à écouter le Premier ministre, Me Appolinaire Kyélem, est la non assistance de la CEDEAO dans la lutte contre le terrorisme. « Depuis la disparition du guide Libyen Mohamed Kadhafi, le Mali et le Niger ont aussitôt, tour à tour, été confrontés au terrorisme. Des dizaines de soldats ces pays ont été sauvagement tués, parfois égorgés. La population civile a été contrainte de choisir entre l’embrigadement et l’enrôlement forcée et l’exil. Le bétail, les cultures et les récoltes ont été pillés et ravagés. L’économie du pays a été déstructurée. Pendant ce temps, tout le monde regardait faire. Ni l’Union Africaine, ni la CEDEAO n’ont volé au secours de ces pays (…). A partir de 2015, les terroristes ont pénétré le territoire burkinabè sous le regard toujours complice de l’Union Africaine, de la CEDEAO et de la Communauté internationale. Las de subir les affres de terrorisme, les maliens ont commencé à demander des comptes à leur dirigeant démocratiquement élu. Des manifestations de protestation ont été organisées à travers le pays et principalement à Bamako. Le pays courait vers la guerre civile. C’est alors que les 5 Colonels avec à leur tête le Colonel Assimi Goïta, dans le respect de leur serment, ont pris leur responsabilité pour restaurer l’ordre et la confiance. Au Burkina, c’est également face à l’incapacité d’un pouvoir soi-disant démocratiquement élu que des militaires ont été amenés à assumer leur responsabilité. C’est le même scénario qui s’est déroulé au Niger. Pendant que nos concitoyens tombaient affreusement, ni l’Union Africaine, ni la CEDEAO n’ont versé une larme de compassion pour nous (…). Le coup d’Etat du 26 juillet 2023 du Niger a été un catalyseur à plusieurs points de vues. Après avoir perdu le Mali et le Burkina Faso, l’impérialisme français ne pouvait tolérer de perdre le Niger. C’est alors que le président français Emmanuel Macron, va intervenir directement, de façon grotesque, en instrumentalisant la CEDEAO et les valets sous-régionaux de l’impérialisme pour faire échec au coup d’Etat au Niger et profiter conquérir le Burkina Faso et le Mali. C’est ce qui a conduit à la déclaration conjointe du Mali et du Burkina du 31 janvier 2023 en soutien au régime de transition du Niger, à l’armée du pays et au peuple nigérien. C’est ce qui a conduit à la création de l’AES le 16 septembre 2023 par les chefs d’Etat des 3 pays. C’est ce qui a conduit au retrait de la CEDEAO des 3 pays le 28 janvier 2024 », a-t-il expliqué.
Ce retrait, à entendre le ministre Serge Poda, offre plusieurs avantages au pays des Hommes intègres. On note notamment les possibilités de mener des négociations et de signer des accords commerciaux avec des partenaires de choix sans que le Burkina Faso ne soit obligé de s’aligner sur la position de la CEDEAO. Ainsi, explique t-il, le pays aura l’avantage de négocier des accords bilatéraux et multilatéraux en phase avec les aspirations du peuple burkinabè en terme de souveraineté fièrement reconquise.
Autres avantages cités par le ministre Serge Poda sont l’élargissement de taxes à l’importation aux produits originaires des pays de la CEDEAO avec lesquels il n’y aurait pas d’accord spécifique (à long terme) et l’accélération de la dynamique de développement endogène par le pays. Pour les trois Etats, le ministre a relevé la dynamisation des échanges intracommunautaires au sein de l’AES par la création du commerce intégré .
Par ailleurs, Serge Poda a souligné, qu’étant toujours membre de l’UEMOA, le Burkina Faso continue de bénéficier des avantages d’accès au marché commun de cet espace.
En prenant la parole, les acteurs du secteur privé national ont manifesté leur engagement à soutenir le gouvernement dans sa démarche. « La tenue de cette rencontre est pour nous un témoignage éclatant de la reconnaissance de la place importante du secteur privé dans la construction et la consolidation de notre souveraineté économique. Dans vos propos, vous nous avez détaillé les motivations profondes de cette décision . Nous avons également entendu et compris les mesures que le gouvernement entend prendre pour juguler d’éventuels effets de ce retrait sur l’activité économique. D’ores et déjà, je voudrais annoncer notre adhésion total aux idéaux de la souveraineté économique et du développement endogène (…). Le soutien du secteur privé est acquis, son engagement à vos côtés est sans équivoque », a indiqué le président de la Chambre du commerce et d’industrie du Burkina Faso, Mahamadi Sawadogo.
Ils ont cependant formulé des recommandations. Il s’agit entre autres de la mise en place d’une stratégie nationale de promotion de l’investissement privé national dans des secteurs stratégiques et la prise de décisions pour rassurer la libre circulation des personnes et des biens avec les pays de la CEDEAO, non membres de l’UEMOA. Aussi, ils ont souhaité que le gouvernement associe « intimement » le secteur privé national dans la reconfiguration du cadre de coopération avec les pays membres de l’Alliance des États du Sahel.
« Nous souhaitons que des mécanismes soient prévues pour accompagner les opérateurs économiques burkinabè à travers leurs faîtières, Chambre de commerce et patronat dans la quête de préservation de leurs activités dans ces pays (…) Enfin, nous souhaitons que le gouvernement veuille bien associer les représentants des faîtières du secteur privé burkinabè dans la conduite des nécessaires négociations d’accords économiques avec les pays de la CEDEAO non membres de l’UEMOA, notamment ceux voisins du Burkina disposants d’infrastructures portuaires », a ajouté le président du conseil national du patronat burkinabè, Idrissa Nassa.
Rosana Astride Kiendrebeogo