Les députés, réunis en plénière le 21 novembre 2023 à l’Assemblée législative de Transition à Ouagadougou, ont adopté le projet de loi organique portant attributions, composition, organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la communication (CSC). L’une des innovations apportées à cette loi qui fait débat est la désignation du président de l’institution par le Chef de l’Etat en lieu et place de l’élection par ses pairs. Aussi, il y a l’élargissement des pouvoirs de sanction du CSC aux journalistes et animateurs qui viendraient à commettre un manquement.
A l’issu de la séance plénière, les différents acteurs se sont prononcés sur l’adoption de ce projet de loi qui vient remplacer la loi organique n°015-2015/AN du 14 mai 2013 portant attributions, composition, organisation et fonctionnement du CSC.
Selon le ministre de la Communication, de la Culture, des Arts et du Tourisme, Jean Emmanuel Ouédraogo, l’adoption du projet de loi est une satisfaction pour le gouvernement. Pour lui, si les députés l’ont voté à l’unanimité, cela prouve qu’au niveau de l’Assemblée législative de Transition il y a également une prise de conscience des enjeux de la régulation de la communication publique. « Donc je pense que c’est une satisfaction partagée non seulement par le gouvernement mais également par les députés aux termes de l’adoption de cet avant projet de loi organique qui nous permet désormais d’avoir une instance de régulation plus forte, plus indépendante, avec plus de moyens et qui nous garantit d’avoir une instance qui soit en phase avec les enjeux et les grands défis du moment », a-t-il poursuivi.
En outre, il rassure que le but de cette relecture de la loi n’est pas de museler la presse. « Je ne vois pas en quoi ce projet de loi va ouvrir la voie à un musellement de la presse. Je pense que dans le milieu de la presse tant qu’un journaliste, tant qu’un médias ne va pas enfreindre à la règle je ne vois pas ce qu’il a à craindre parce que le conseil supérieur de la communication qui sera issu de ce projet de loi va travailler dans le strict respect de la loi », a-t-il laissé entendre.
Ces arguments du ministre de la Communication ne suffiront pas pour dissiper les inquiétudes du Secrétaire générale adjoint du Syndicat autonome des travailleurs de l’information et de la culture (SYNATIC), Aboubacar Sanfo. « Pour les défenseurs de la liberté de presse et d’expression, ce 21 novembre 2023 est un triste jour à l’image du 19 novembre 2019 où le parlement a voté la loi modificative portant code pénal. Nous avons assisté à une remise en cause des acquis démocratiques concernant la liberté d’expression et de presse », a-t-il déploré.
A l’écouter, les inquiétudes qu’ils ont soulevé sur les différents aspects du projet de loi n’ont pas été prises en compte par les députés car leur vote ont maintenu les dispositions relatives à la nomination du président du CSC par le Chef de l’Etat. « C’est un recul démocratique, c’est vraiment une remise en cause des avancées que nous avions en matière de liberté d’expression et de presse concernant cette institution qui est très important pour le Burkina Faso », a-t-il poursuivi.
En ce qui concerne le renforcement des sanctions à l’encontre des journalistes, M. Sanfo estime que le retrait de la carte de presse d’un journaliste en cas de manquement ne relève pas des prérogatives du CSC. Selon lui, il s’agit de la mission du Comité technique de carte de presse qui est amené à statuer sur le retrait ou non d’une carte de presse qu’il a délivré au journaliste.
Par contre, pour le député du groupe des Forces vives des régions, Hama Ly, le mode de désignation du président du CSC ne lui pose pas problème (nomination par le Chef de l’Etat ou non). Pour lui, les crises d’élection du président qui ont eu lieu au sein de l’institution résultent en réalité à l’incurie des acteurs. « Sinon que ce soit un président qui sera élu par ses pairs ou le Chef de l’Etat, il faut tout simplement que les hommes qui sont sur place aient conscience de l’intérêt général qui doit être au dessus de tout », a-t-il ajouté.
En outre, il dénonce l’autonomie financière donnée au CSC par la nouvelle loi. A l’écouter, cela pourrait ouvrir la voie à des malversations financières.
Issouf Tapsoba
Latribunedufaso.net