Affaire charbon fin : L’expert requis pas le parquet, Pr Yonli contredit le rapport d’expertise

Le mardi 07 novembre 2023, le procès sur l’affaire charbon fin opposant l’Etat burkinabè à la société minière IAMGOLD Essakane SA a repris au tribunal de grande instance Ouaga 1. Pour cette journée, les débats ont porté sur la présentation du rapport de l’expert requis par le parquet en la personne de Pr Arsène Yonli.

A l’entame, le président du tribunal a appelé à la barre le Pr Yonli afin qu’il réponde aux questions de compréhension des parties en lien avec son rapport projeté avant la dernière suspension de l’audience.

Le parquet a ouvert la séance de questions. Pour lui, il s’agissait de savoir si le Pr Yonli, après avoir présenté son rapport, reprochait quelque chose aux experts, si oui, de quoi est il question.

Selon le Pr Yonli, il ne devrait pas avoir autant d’or dans le charbon fin parce que le processus utilisé par Essakane n’a pas de défaillance. Par ailleurs, il a également laissé entendre que, après traitement, le charbon fin ne contenait pas assez de carbone donc cela veut dire que ce n’était pas que du charbon qu’Essakane exportait. Pour lui, il y a également du minerais. 

Au tour de la défense de faire des observations. Pour elle, le Pr Yonli n’est pas habilité à critiquer le rapport des experts. En effet, elle soulève le fait que les experts aient été choisis par le tribunal lui-même, donc il n’est plus de possible de faire intervenir un autre expert. Elle demande ainsi à être édifée sur la qualité de ce dernier.

Le conseil du REN-LAC s’est prononcé. En effet, pour Me Proposer Farama, le Pr Yonli est habilité à participer aux débats. Il peut donner son avis et ou critiquer le rapport des experts. Pour Me Farama, c’est l’article 261, tiret 117 du Code de procédure pénale qui en est la base légale. En effet, cet article dispose que si « à l’audience d’une juridiction de jugement, une personne entendue comme témoin ou à titre de renseignement contredit les conclusions d’une expertise ou apporte au point de vue technique des indications nouvelles, le président demande aux experts, au ministère public, à la défense et, s’il y a lieu, à la partie civile, de présenter leurs observations. Cette juridiction, par décision motivée, déclare soit qu’il sera passé outre, soit que l’affaire sera renvoyée à une date ultérieure. Dans ce dernier cas, la juridiction peut prescrire quant à l’expertise toute mesure qu’elle juge utile ».

Le parquet s’est également justifié sur le choix porté sur le Pr Yonli. Il dit fonder son argumentaire sur l’article 242, tiret 13 (Code de procédure pénale) qui stipule de faire appel à qui il veut pour une manifestation de la vérité. Pour le parquet, la science se définit par son universalité et son impartialité c’est pourquoi ils ont demandé à être assisté par le Pr Yonli, pour avoir deux idées sur la question de charbon fin.

« Le procureur du Faso peut requérir toute personne dont l’expertise est susceptible de concourir à la manifestation de la vérité notamment les médecins, les psychologues, les professionnels des services sociaux et les experts en moyens de communication et en informatique », dit l’article.

Le président du tribunal a demandé aux parties de clore les débats sur cette question car il a déjà tranché en autorisant le Pr Yonli a effectué sa présentation. « En matière pénale, la preuve est libre et même l’expertise fournie ne sert qu’à titre de preuve », a-t-il laissé entendre.

Le président a ensuite demandé au Pr Yonli de répondre par une réponse fermée si oui ou non il contredit l’expertise.

« Je ne suis pas d’accord avec le rapport dans sa globalité. Sur plusieurs points abordés dans le rapport par les experts, je n’ai pas vu le respect de la procédure scientifique. Les conclusions du rapport ne découlent pas d’une méthodologie scientifique », a-t-il répondu.

Le président du tribunal a donc appelé à la barre les experts cités dans le dossier, qui ont effectué l’expertise judiciaire. Il s’agit de Joël Ilboudo, ingénieur métallurgiste et Moussa Gomina, Dr en sciences physiques et chercheur en sciences des matériaux. Il leur a demandé de réagir aux allégations de Pr Yonli sur leur travail.

Ces derniers ont proposé de présenter les résultats de leur expertise. Le président du tribunal leur a également souligné qu’il ne suffit pas juste de présenter le travail mais qu’il faut montrer la cohérence de leur expertise. 

Les sieurs Ilboudo et Gomina ont ainsi procédé à la présentation. Il ressort que les résultats auxquels ils ont abouti sont différents de ceux contenus dans le rapport du Pr Yonli. Selon les experts, cela s’explique par le fait qu’ils ont voulu être pratique dans leur travail en utilisant une méthode minière (pratiquée dans les mines, NDLR) alors que le Pr Yonli a utilisé une méthode académique. A les écouter, cette méthode n’est pas utilisée par les mines dans leur travail.

Après leur intervention, le tribunal a suspendu l’audience pour être reprise le mercredi 08 novembre 2023.

Issouf Tapsoba et Nabintou Ouattara (stagiaire)

Latribunedufaso.net

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