Le Burkina Faso a-t-il octroyé un permis minier à Wagner, un groupe privé de sécurité russe ? C’est ce qu’a affirmé le président du Ghana Nana Akufo-Addo le 14 décembre 2022 en marge du sommet États-Unis-Afrique, lors d’une rencontre avec Antony Blinken le chef de la diplomatie américaine. Le président ghanéen est allé plus loin. Il a donné des précisions sur les raisons de l’octroi du site minier et sa localisation. Sur les raisons, il estimé que la mine a été donnée à Wagner en contrepartie de sa participation à la lutte contre le terrorisme. La mine serait localisée au sud du Burkina Faso, vers la frontière avec le Ghana, ce qui préoccupe Nana Akufo-Addo. Nous avons tenté de vérifier ces allégations dans une démarche en 3 volets.
Le premier volet a consisté à analyser le cadre légal qui décrit le processus d’octroi des permis miniers au Burkina Faso. Selon le Code minier burkinabè et le décret portant gestion des titres miniers au Burkina Faso, le pays applique la règle du « Premier venu, Premier servi », c’est-à-dire que le permis est octroyé à la première personne qui le sollicite.
Pour garantir la transparence, un registre est ouvert pour recevoir les demandes au Cadastre minier. La demande de permis est accompagnée d’un certain nombre de pièces dont l’étude de faisabilité et la certification environnementale. Les dossiers de demande de permis miniers sont examinés par la commission nationale des mines qui donne un avis favorable ou défavorable. Le permis d’exploitation est octroyé par décret pris en conseil des ministres si l’avis est favorable.
Selon nos recherches, ni le cadastre minier, ni la commission nationale des mines n’ont reçu ou traité une demande d’exploitation d’or émanant de cette société. Dans ces deux structures, aucune demande n’a été reçue pour un permis situé dans la partie sud du pays comme l’a laissé entendre le président du Ghana.
« Aucun permis n’a été octroyé à Wagner », selon le ministre burkinabè des mines
Mais la déclaration du président du Ghana laisse croire que le permis a été octroyé sans suivre les procédures en la matière. Nous nous sommes intéressés à la recherche des informations de la société civile nationale qui siège au comité de pilotage de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries extractives (ITIE) sur le respect des procédures dans le cadre de cette octroi annoncé par le président du Ghana. En effet, ce collège a rencontré le ministre de l’Energie, des Mines et des carrières, Jean Pierre Boussim le 20 décembre 2022 sur la question. Au sortir de la rencontre, le ministre des mines a été catégorique : « aucun permis n’a été octroyé à Wagner ».
Malgré ces assurances, le troisième volet de notre recherche d’information a conduit à une consultation des registres du cadastre minier pour connaitre les propriétaires des sites miniers situés au sud du Burkina Faso.
Au sud de Ouagadougou, six mines industrielles ont été recensées. La mine de Youga située dans la province du Boulgou, appartenant à la société Avesoro. Elle a obtenu son permis depuis 2003. Le permis arrive à expiration en fin 2023 et la société a entamé les procédures de renouvellement. La mine de Nétiama de la société Avesoro située dans le Nahouri. Elle a obtenu sa convention minière en février 2018. Nétiama a fini l’exploitation à ciel ouvert et a obtenu l’autorisation pour passer en mine sous-terraine. La mine de Ouaré (dans le Boulgou), toujours pour la société la société Avesoro a obtenu son permis en 2021. Elle était sur le point de passer à l’exploitation lorsqu’elle a subi une attaque terroriste en fin janvier 2022. Ces trois mines font frontière avec le Ghana mais elles appartiennent au groupe Canadien Avesoro.
Poussant les vérifications plus loin, on s’aperçoit qu’au Sud de Ouagadougou toujours, on a la mine de Kiaka qui dispose d’un permis depuis 2016 octroyé à la société B2Gold. Cette société a revendu le permis à West African Ressources. Kiaka a bouclé son financement et la construction de sa mine a débuté en fin décembre 2022.
Un autre site minier a été localisé vers Batié. Il s’agit du permis de Konkera qui dispose d’un permis depuis 2015. Elle a pour société mère, Centramin. Konkera a fait l’objet de vandalisme en novembre dernier. Centramin a écrit au ministère des mines pour renoncer au permis après avoir tenté en vain de le revendre. Aux termes de la renonciation, le permis tombera dans le domaine public. La dernière société Wahgnion Gold est localisée vers Sindou. Le permis a été octroyé à la société Gryphon qui l’a vendu à Teranga Gold en 2016. Depuis février 2021, cette société qui a débuté son exploitation d’or en 2019 est exploitée par Endeavour mining.
Aucun nouveau permis n’a été donné à une société au sud du Burkina Faso en 2022. Toutes les sociétés qui opèrent dans cette partie du Burkina Faso ont obtenu leur permis depuis des années.
Confusion avec la société russe Nordgold ?
Les propos du président du Ghana sont intervenus une semaine après l’octroi à la société russe Nordgold du permis minier de Ymiougou au centre nord du Burkina Faso.
Cette société russe qui opère au Burkina Faso depuis plus de 15 ans ne serait pas à son premier permis. Elle exploite la mine de Taparko depuis 2007, celle de Bissa Gold depuis 2013 et celle de Samtenga suite à une convention minière signée le 31 décembre 2019. En 2017, Nordgold a introduit une demande pour exploiter Ymiougou. La commission nationale des mines a examiné le dossier en février 2022 mais avait remarqué l’absence de la conformité environnementale. Ce document a été complété en juin 2022 avant que le dossier ne soit introduit en conseil des ministres. C’est ce long processus qui a abouti à l’octroi du permis le 7 décembre 2022 à la société Nordgold Ymiougou SA.
Pierre Balma
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