Le monde scolaire grogne. A l’appel de l’AESO (Association des élèves et scolaires de Ouagadougou), principale corporation du secondaire, les pensionnaires des établissements publics et privés de la capitale ont déserté les classes, quelques jours avant les congés de pâques. Ils ont battu bruyamment le pavé à travers les artères de la ville, bloqué des routes, barré des ponts, occupé des carrefours. Manifestant leur colère et leur opposition à des changements supposés dans l’organisation future des examens du BEPC et du Baccalauréat. Un conflit naissant, qui semble davantage émaner d’une vraie défaillance de communication autour des reformes en question. Analyse.
La faute à des décideurs qui n’écoutent pas assez leurs conseillers en la matière ? Ou une réelle carence des communicants supposés guider nos dirigeants dans l’art de préparer l’opinion publique à l’acceptation de certaines décisions importantes et capitales pour la vie de la nation ? Des questions qui méritent d’être posées. Autrement, comment s’expliquer en effet qu’une affaire, d’apparence aussi banale, se retrouve en passe d’être au cœur d’un bras de fer entre les élèves et le gouvernement ? Certainement pas du reste qu’entre les élèves et le gouvernement ; car personne n’est dupe que, plus que probablement, derrière la colère des scolaires, il y a des « souffleurs de braises » tapis du côté des parents d’élèves et dans les rangs de leurs enseignants et encadreurs.
Comme d’habitude, le quiproquo est parti d’une rumeur. A l’ère des réseaux sociaux, la traînée de poudre s’est très vite propagée ; charriant des informations plus ou moins erronées et alarmantes ; nourrissant l’incompréhension, la colère, puis le rejet d’emblée d’une mesure jusqu’alors encore non officiellement et publiquement annoncée. Principal point de discorde, une hérésie d’après laquelle, à l’issue des réformes envisagées, le Baccalauréat, du fait de son organisation par le ministère et les instances de l’enseignement secondaire, ne donnera plus automatiquement droit d’inscription dans les universités publiques ; l’accès à celles-ci étant désormais soumis à des concours d’entrée.
Info ou intox
Pareille perspective a en tout cas suffi pour mettre le feu aux poudres, poussant les candidats au BAC dans la rue. Suivis et soutenus avec véhémence par leurs cadets, non seulement futurs candidats au précieux sésame eux-mêmes, mais victimes d’ores et déjà pour certains d’un autre volet de la réforme annoncée des examens scolaires. L’examen du BEPC se déroulerait, comme le BAC, non seulement en un seul tour dorénavant, mais verra la suppression des deux sujets au choix lors des épreuves d’Histoire-Géo et de SVT.
Il aura fallu finalement que les élèves manifestent et tirent sur la sonnette d’alarme, pour que les autorités de l’éducation nationale se décident, enfin, à communiquer publiquement sur les détails du projet de réformes du BAC et du BEPC. Trop tard Dossou ! Comme dirait mon livre de lecture de l’école primaire. La désinformation (malveillante ou incidente) avait déjà pris les devants. Par la voix laborieuse d’un « sous-fifre », voilà le gouvernement contraint alors à démentir, là il aurait largement pu éviter de se faire accuser, ni même soupçonner d’une quelconque mauvaise intention à l’encontre des élèves.
De ce qui a officiellement été révélé finalement, ces réformes n’ont rien de fondamentalement mauvais ou spécifiquement contre les intérêts des candidats. Pas au point de crier haro sur le gouvernement, ni vraiment remettre en cause l’avenir du système éducatif et des scolaires. Le communiqué du Directeur Régional des Enseignements Post Primaire et Secondaire du Centre à ce propos indique, bien au contraire, que les changements envisagés sont même à l’avantage des élèves, d’un côté. D’un autre côté, ces réformes obéissent à des contraintes d’ordre communautaire.
Ainsi, « le sujet unique en Histoire/Géographie et en Sciences de la Vie et de la Terre en lieu et place de deux sujets » s’inscrit dans une « perspective d’améliorer les résultats au BEPC », selon ledit communiqué rendu public. Pour ce qui concerne le baccalauréat, l’on apprend que son organisation par le Ministère de l’Education Nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues Nationales, à partir de la session de 2022, s’inscrit dans la contrainte « d’être en phase avec la dynamique d’harmonisation du Baccalauréat et des programmes d’enseignement secondaire général dans les pays membres de l’UEMOA ». A ce niveau, on a encore tous en mémoire l’harmonisation effective déjà des dates de déroulement des examens du Baccalauréat dans tous les pays de l’UEMOA.
Cachoteries et contradictions
Où est-ce, diable, que le bât blesse alors ? Pourquoi autant de cachoteries et de contradictions ? Qui aboutissent malheureusement le plus souvent à des crises, dont le Burkina Faso peut et doit faire l’économie, si nous voulons un jour nous en sortir. Dans les entrefaites de ces manifestations de scolaires contre les réformes des examens, ne voilà-t-il pas que le conseil des ministres du mercredi 31 mars dernier a adopté un rapport relatif à l’organisation d’Assises nationales de l’Education au cours de cette année 2021 ? De quoi perdre véritablement, en ce qui me concerne, mon latin et mon sens de la logique. Pourquoi, bonnes gens, n’avoir pas en effet reversé tout simplement l’adoption de ces réformes à la discussion des Assises nationales de l’Education ?
Cela aurait certainement eu plus d’élégance et surtout l’avantage politique de pouvoir être présenté à l’arrivée comme étant le résultat d’un consensus national. Toute chose difficilement contestable par qui que ce soit. Eu égard à cette superposition de calendriers désormais, doit-on alors considérer la réforme du Baccalauréat comme actée pour compter de la session de 2022 ? Ou bien celle-ci peut-elle encore faire l’objet de débats lors des Assises de l’Education à venir au cours de cette année 2021? Dans cette seconde hypothèse et le cas échéant, que fera-t-on, si d’aventure le forum national venait à remettre en cause tout ou partie des changements annoncés ?
Par la volonté et la confiance placée en lui par ses pairs chefs d’Etat lors de leur dernier sommet, le président du Faso Roch Marc Christian KABORE a la charge et l’honneur de présider l’UEMOA. A ce titre, il lui revient de veiller à la mise en œuvre effective des grandes décisions communautaires prises. Quel désaveu, si d’aventure son propre pays venait à revêtir le bonnet d’âne du mauvais élève de la classe, pour une réforme aussi capitale et importante que l’harmonisation des systèmes d’enseignement au sein de l’espace ? Motif impératif pour lequel, la cacophonie autour de cette affaire de réformes des examens scolaires doit faire place à une communication mieux maîtrisée et plus responsable. Il en va plus généralement d’ailleurs de la cohésion et de la crédibilité publique de l’action gouvernementale.
Logique du fait accompli
Il est incontestablement risqué et dangereux de persister dans certaines attitudes ? Là où l’on peut souvent convaincre et emporter l’adhésion de l’opinion publique par des explications simples, logiques et rationnelles, pourquoi s’enfermer parfois dans cette espèce de mutisme institutionnel ? Faire le dos rond et attendre que les choses passent, soient acceptées par habitude ou accoutumance. A la faveur des congés de Pâques, une certaine accalmie est tombée sur les contestations scolaires des dernières semaines. Mais les élèves reviennent bientôt. Ils pourraient durcir le ton, si d’ici là rien n’est entrepris pour les rassurer.
C’est le sens de cet écrit. Pour être passés par là, nous savons tous que les mouvements scolaires et estudiantins, avec de l’instrumentalisation et de la manipulation, peuvent très vite devenir incontrôlables. Il est encore temps de communiquer de manière plus proactive et convaincante sur ces réformes des examens scolaires. Pour ne pas en faire un casus belli, qui peut prendre en otage et remettre en cause le déroulement et l’achèvement normal de l’année scolaire. Aux autorités attentives et que Dieu bénisse toujours le Burkina Faso.
Sidzabda Damien OUEDRAOGO