Présent à Abidjan (Côte d’Ivoire) pour la 4e édition de l’initiative médiatique du forum et réseau africain sur la dette africaine et le développement (AFROMEDI), tenue du 19 au 21 mars 2024, le Directeur de publication du média en ligne MineActu.info, Elie Kaboré a été interrogé par la radio de la paix cité Côte d’Ivoire. Il s’est agit pour lui de parler du rôle des journalistes dans la promotion de la transparence dans le financement des dettes en Afrique. Lisez plutôt !
Radio de la paix : Pourquoi les journalistes africains doivent investiguer sur la question de la dette contractée par les différents pays africains ?
Elie Kaboré : L’argument qui est aujourd’hui avancé pour contracter la dette, c’est le financement du développement. Mais malgré le niveau de la dette qui est très élevé, la pauvreté est aussi très élevée dans les pays. On a remarqué que les pays les plus riches en ressources naturelles, agricoles, qui vivent de la pêche et qui ont des opportunités d’élevage ne maximisent pas sur ces ressources là pour financer leur propre développement. Ils préfèrent s’endetter. Quand on prend par exemple dans le domaine commercial, des pays excellent dans l’octroi d’avantage fiscaux à des entreprises qui n’en n’ont pas besoin et il y a souvent des détournements. On arrive souvent à avoir des infrastructures sur papier mais qui ne sont pas réalisées sur le terrain ce qui nous emmène de nouveau à nous endetter.
L’Afrique se lance ainsi dans un cycle infernal d’endettement et de remboursement de la dette qui ne favorise pas son développement. Le journaliste en tant qu’acteur clé dans la dénonciation et dont le travail impacte sur la prise de décisions, qui souvent apporte des réformes institutionnelles, des réformes structurelles, se doit aussi de s’intéresser sur la question. Il doit investiguer pour non seulement savoir le niveau de la dette, mais aussi pour connaître auprès de qui on la contracte.
Le journaliste doit également investiguer pour voir si la dette est utile, en mettant l’accent surtout sur son utilisation. Est-ce que cette dette apporte quelque chose de plus à la vie des populations ou bien, elle contribue à asservir ces populations là ? Les journalistes ont un très grand rôle à jouer sur cette question.
On sait que les entreprises sont puissantes. Face à ces multinationales, quelles sont les rudiments que les journalistes doivent avoir pour pouvoir mieux mener ces investigations et mieux informer les populations et les décideurs.
Je confirme que les multinationales avec des montages financiers très complexes arrivent à détourner notre attention et se font de gros bénéfices. Elles utilisent plusieurs techniques. La fraude, l’évasion fiscale, les questions de surfacturation, de sous – facturation à l’importation et à l’exportation, etc. Pour le journaliste, le premier défis est le renforcement de la capacité. Un journaliste qui n’est pas bien formé sur ces techniques peut ne pas voir comme un mal qui passe. Le second aspect est la question de l’accès à l’information.
Ces entreprises ne communiquent pas assez et nos gouvernants aussi n’ont pas toujours le réflexe de communiquer, pas de manière volontaire mais souvent c’est involontaire. Il est donc souvent difficile pour le journaliste qui recherche des informations sur les activités commerciales des entreprises d’en trouver. L’information est souvent cachée quelque part où on refuse complètement de la donner. Les journalistes doivent relever ce défaut d’accès à l’information et aussi, dans certains pays africains, relever la question de la liberté d’expression. Sur la base de témoignages des uns et des autres il y a des pays aujourd’hui où le journalisme est devenu un métier risqué. Après avoir relevé toutes ces techniques, c’est aussi respecter les règles de la déontologie et d’éthique que le métier s’est imposé, pour pouvoir collecter les informations, les traiter, suivant les outils tels que l’investigation, le data journalisme, le fact-checking pour arriver vraiment à révéler à la face des citoyens, ce qui ne va pas et pourquoi le pays doit mieux lutter contre ces petites pertes d’argent, ce manque à gagner, au lieu de passer le temps à s’endetter.
Vous avez aussi parlé du service de la dette qui est à un taux de pourcentage dans la déclaration qui est certainement fausse parce que les gens voudront faire du profit sur le dos du citoyen lambda. Pouvez -vous revenir sur l’état des lieux des pays africains.
Le niveau d’endettement de l’Afrique est très élevé. Au niveau du service de la dette, chaque pays de l’Afrique a une ligne budgétaire dans son budget dépenses pour rembourser une bonne partie de la dette. Ce n’est pas le chiffre qui fait mal, c’est ce à quoi cet argent a servi qui fait le plus mal. Par moment on rembourse la dette deux fois parce qu’on ne l’a pas investi et on est obligé d’aller s’endetter encore, ou parce qu’on l’a mal investi. Aujourd’hui les pays du Sahel sont confrontés aux questions terroristes. Une bonne partie des ressources internes sont consacrées à ces priorités de l’heure. C’est-à-dire, faire la grève au terrorisme, faire face aux questions humanitaires, la réinstallation de la population et de l’administration et d’autres nouveaux défis qui se posent.
Il y a eu aussi la Covid 19 qui a mis à genoux certains économies et qui a encouragé les pays à aller vers un certain type d’endettement. Ce que le journaliste doit regarder, c’est à quoi a servi cette argumentation ? Qui a donné quoi, qui est allé négocier ? Est-ce que cet argent a créée de la valeur ajoutée au pays. Si on prend une dette pour aller construire une route dans une localité qui n’en a pas besoin. Alors qu’ailleurs, on a besoin d’une route pour évacuer les produits agricoles, il y a un problème. Si on prend une dette pour aller construire un stade où il n’y a pas de joueurs, ni des compétitions, cela cause un problème. Donc il faut que cette dette soit répartie de façon équitable entre les secteurs économiques et les couches sociales pour pouvoir amorcer un développement harmonisée et durable pour tout le pays.
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